
" (...) Etre enseveli vivant, c’est a coup sur la plus terrible des extrémités qu’ait jamais pu encourir une créature mortelle.
Que cette extrémité soit arrivée souvent, très souvent, c’est ce que ne saurait guère nier tout homme qui réfléchit. Les limites qui séparent la vie de la mort sont tout au moins indécises et vagues. Qui pourra dire ou l’une commence et ou l’autre finit? Nous savons qu’il y a des cas d’évanouissement, ou toute fonction apparente de vitalité semble cesser entièrement, et ou cependant cette cessation n’est, a proprement parler, qu’une pure suspension — une pause momentanée dans l’incompréhensible mécanisme de notre vie. Au bout d’un certain temps, quelque mystérieux principe invisible remet en mouvement les ressorts enchantés et les roues magiciennes. La corde d’argent n’est pas détachée pour toujours, ni la coupe d’or irréparablement brisée. Mais en attendant, où était l’âme?
Mais en dehors de l’inévitable conclusion a priori, que telles causes doivent produire tels effets — et que par conséquent ces cas bien connus de suspension de la la vie doivent naturellement donner lieu de temps en temps à des inhumations prématurées — en dehors, dis-je, de cette considération, nous avons le témoignage direct de l’expérience médicale et ordinaire, qui démontre qu’un grand nombre d’inhumations de ce genre ont réellement eu lieu. Je pourrais en rapporter, si cela était nécessaire, une centaine d’exemples bien authentiques.
Un de ces exemples, d’un caractere fort remarquable, et dont les circonstances peuvent être encore fraiches dans le souvenir de quelques-uns de mes lecteurs, s’est présente il n’y a pas longtemps dans la ville voisine de Baltimore, et y a produit une douloureuse, intense et générale émotion. La femme d’un de ses plus respectables citoyens — un légiste éminent, membre du Congrès, — fut atteinte subitement d’une inexplicable maladie, qui défia complètement l’habileté des médecins. Après avoir beaucoup souffert, elle mourut, ou fut supposee morte. Il n’y avait aucune raison de supposer qu’elle ne le fut pas. Elle présentait tous les symptomes ordinaires de la mort. La face avait les traits pincés et tirés. Les lèvres avaient la paleur ordinaire du marbre. Les yeux étaient ternes. Plus aucune chaleur. Le pouls avait cessé de battre. On garda pendant trois jours le corps sans l’ensevelir, et dans cet espace de temps il acquit une rigidité de pierre. On se hâta alors de l’enterrer, vu l’état de rapide décomposition où on le supposait.
La dame fut déposée dans le caveau de famille, et rien n’y fut dérangé pendant les trois années suivantes. Au bout de ces trois ans, on ouvrit le caveau pour y déposer un sarcophage. — Quelle terrible secousse attendait le mari qui lui-même ouvrit la porte! Au moment où elle se fermait derriere lui, un objet vêtu de blanc tomba avec fracas dans ses bras. C’était le squelette de sa femme dans son linceul encore intact.
Des recherches minutieuses prouvèrent évidemment qu’elle était ressuscitée dans les deux jours qui suivirent son inhumation, — que les efforts qu’elle avait faits dans le cercueil avaient déterminé sa chute de la saillie sur le sol, où en se brisant il lui avait permis d’échapper à la mort. Une lampe laissée par hasard pleine d’huile dans le caveau fut trouvée vide; elle pouvait bien, cependant avoir été épuisée par l’évaporation. Sur la plus élevée des marches qui descendaient dans cet horrible sejour, se trouvait un large fragment du cercueil, dont elle semblait s’être servi pour attirer l’attention en frappant la porte de fer. C’est probablement au milieu de cette occupation qu’elle s’évanouit, ou mourut de pure terreur; et dans sa chute, son linceul s’embarrassa à quelque ouvrage en fer de l’intérieur. Elle resta dans cette position et se putréfia ainsi, toute droite.

L’an 1810, un cas d’inhumation d’une personne vivante arriva en France, accompagne de circonstances qui prouvent bien que la vérite est souvent plus étrange que la fiction. L’héroine de l’histoire était une demoiselle Victorine Lafourcade, jeune fille d’illustre naissance, riche, et d’une grande beauté. Parmi ses nombreux prétendants se trouvait Julien Bossuet, un pauvre littérateur ou journaliste de Paris. Ses talents et son amabilité l’avaient recommandé à l’attention de la riche héritière, qui semble avoir eu pour lui un véritable amour. Mais son orgueil de race la décida finalement a l’évincer, pour épouser un monsieur Renelle, banquier, et diplomate de quelque mérite. Une fois marié, ce monsieur la négligea, ou peut-être même la maltraita brutalement. Apres avoir passé avec lui quelques années misérables, elle mourut — ou au moins son état ressemblait tellement a la mort, qu’on pouvait s’y meéprendre. Elle fut ensevelie — non dans un caveau, — mais dans une fosse ordinaire dans son village natal. Désespéré, et toujours brûlant du souvenir de sa profonde passion, l’amoureux quitte la capitale et arrive dans cette province éloignée où repose sa belle, avec le romantique dessein de déterrer son corps et de s’emparer de sa luxuriante chevelure. Il arrive à la tombe. A minuit il déterre le cercueil, l’ouvre, et se met à détacher la chevelure, quand il est arrête, en voyant s’entr’ouvrir les yeux de sa bien-aimée.
La dame avait été enterrée vivante. La vitalité n’était pas encore complètement partie, et les caresses de son amant achevèrent de la réveiller de la léthargie qu’on avait prise pour la mort. Celui-ci la porta avec des transports frénétiques à son logis dans le village. Il employa les plus puissants révulsifs que lui suggéra sa science médicale. Enfin, elle revint a la vie. Elle reconnut son sauveur, et resta avec lui jusqu’a ce que peu a peu elle eut recouvre ses premieres forces. Son coeur de femme n’était pas de diamant; et cette dernière leçon d’amour suffit pour l’attendrir. Elle en disposa en faveur de Bossuet. Elle ne retourna plus vers son mari, mais lui cacha sa résurrection, et s’enfuit avec son amant en Amérique. Vingt ans après, ils rentrèrent tous deux en France, dans la persuasion que le temps avait suffisamment altéré les traits de la dame, pour qu’elle ne fut plus reconnaissable à ses amis. Ils se trompaient; car à la première rencontre monsieur Renelle reconnut sa femme et la réclama. Elle résista; un tribunal la soutint dans sa résistance, et décida que les circonstances particulieres jointes au long espace de temps écoule, avaient annulé, non seulement au point de vue de l’équite, mais à celui de la légalite, les droits de son époux (...)