GODEFROI DE LA
TROUILLE AU BIDE
ous connaissez sans doute la légende du roi Arthur et de ses preux chevaliers mais, vous ne connaissez pas celle de Messire Godefroi de la Trouille au Bide. Il était chevalier du roi mais à la
seule pensée de partir aux combats, il commençait déjà à trembler. Tellement lâche et poltron que même son ombre lui faisait peur !
Pourtant, un jour, le roi lui confia une mission. Godefroi de la Trouille au Bide essaya bien de s’esquiver mais le roi l’ayant choisi, il dut partir.
Il fut chargé de ramener à la cour un bébé car l’épouse du roi ne pouvait pas avoir d’enfant. Pour cela, il devait se rendre à la forteresse des enfants, de l’autre côté de la forêt. Quelle
horreur ! Lui qui n’avait jamais quitté l’enceinte du château ! Cette idée le rendit tellement malade qu’il pensa tout de suite à une ruse qui lui permettrait de berner le
roi.
Alors, il fit semblant de quitter le château avec pour tout compagnon, Astruc, son écuyer, accompagné de son cheval Bayard. Il se réfugia dans la forêt profonde pour y réfléchir.
Parvenus à l’orée d’une clairière, nos deux «héros » eurent le souffle coupé : une montagne gigantesque s’élevait au-dessus d’un lac bleu azur. De somptueux oiseaux s’élançaient des
arbres pour se désaltérer dans l’eau limpide. Tout était calme, serein et Godefroi de la Trouille au Bide décida de s’arrêter pour faire une petite sieste avant d’attaquer le chemin escarpé
qui montait jusqu’à la forteresse des enfants. Mais en fait, Godefroi avait très peur ; il se demandait pourquoi il n’avait pas choisi la fuite…Il devait être fou !
Astruc, intrigué par la panique de son Maître, lui dit :
- Que devons-nous aller chercher Messire ?
- Je dois me rendre à la forteresse des enfants pour prendre un bébé et le ramener au roi !
Astruc eut envie de rire en voyant son Maître aussi effrayé.
- Ce n’est pas une mission si périlleuse, il vaut mieux aller chercher un bébé que partir aux croisades ou, encore, combattre un dragon.
- Que tu es naïf Astruc ! Si c’était si simple, le roi n’aurait pas envoyé l’un de ses chevaliers. Il faut combattre pour avoir ce bébé.
Astruc commençait à comprendre pourquoi son Maître avait peur.
- J’ai une idée, dit Godefroi de la Trouille au Bide : tu vas prendre ma place en tant que chevalier et moi je deviendrai écuyer, ainsi tu me serviras mieux, tu seras en somme mon éclaireur,
mon bouclier.
- Qu’est-ce que je gagne à vous remplacer Messire ?
- Tu oses discuter mes ordres et me demander une récompense !
Astruc prit un bain dans le lac pendant que Godefroi s’assoupissait au pied d’un arbre puis s’endormit sur la rive. Il fut réveillé par un méchant coup de soleret dans les jambes.
- Allez fainéant ! Debout ! Il faut partir, sans quoi la nuit va nous surprendre.
Astruc, contre mauvaise fortune enfila rapidement l’armure du chevalier et
Godefroi mit les habits de l’écuyer ; ils empruntèrent un chemin très escarpé dans la montagne pour arriver jusqu’à la forteresse des enfants.
Le voyage fut fatigant pour Godefroi de la Trouille au Bide car la nuit qui commençait à tomber le terrifiait: il sursautait au moindre bruit et au moindre grincement d’arbre.
Ils parvinrent enfin devant un fossé franchi par un pont-levis. De l’autre côté se dressait la forteresse des enfants.
Pour annoncer leur visite, Godefroi qui avait pris la place d’Astruc sonna de la trompe en secouant la bannière aux armoiries du roi l’éléphant. Un petit garçon vêtu comme un prince les conduisit
devant une petite fille qui semblait être la Maîtresse des lieux. Il y avait autour d’elle d’autres personnes qu’elle devait apprécier car elles étaient traitées avec générosité : des
viandes, rôties ou grillées, étaient servies en abondance et la boisson coulait à flot. Un troubadour chantait les exploits d’un chevalier de légende, ceux de Roland ou, peut-être, de
Lancelot.
La petite reine s’adressa à Astruc habillé en chevalier :
- Pourquoi es-tu venu jeune chevalier ?
- Le roi m’a demandé de venir chercher un bébé.
- Est-ce qu’il t’a dit qu’il fallait combattre mon champion et que c’était seulement si tu parvenais à le battre que je te donnerais en échange le nouveau-né ?
- Je sais, et je suis prêt à me confronter à lui, répondit Astruc.
Il avait toujours rêvé de vivre une véritable aventure dont il serait le héros, il réalisait enfin son rêve. La petite reine montra du doigt dont les genoux s’entrechoquaient déjà.
- Et lui, qui est-ce ?
- C’est mon écuyer.
- N’est-il pas un peu vieux pour être écuyer ?
- Il est nul et n’a jamais pu être adoubé par le roi.
Elle ordonna aux gardes qui n’étaient que des adolescents d’emmener Godefroi de la Trouille au Bide avec les autres écuyers de la forteresse pour qu’il s’occupe de Bayard. C’est ainsi qu’un des
plus grands chevaliers du roi fut envoyé aux écuries pour s’occuper des chevaux et des stalles royales. Quant à Astruc, il fut emmené par un couloir souterrain dans les douves du château.
L’endroit était sombre et peu accueillant. Après avoir franchi une rivière sur un petit pont en bois, très peu fiable, il était sûrement là depuis Mathusalem, Astruc parvint devant une
grotte.
La petite reine s’approcha de l’entrée et cria :
- Ô grand Varan ! Daigne nous honorer de ta
présence.
Astruc, médusé, vit apparaître le champion de la reine qui n’était autre que le Dragon de Komodo, un gros reptile de deux mètres de long.
La jeune reine le salua respectueusement :
- Le chevalier qui est ici veut un nouveau-né pour le roi !
Le Varan commença à s’agiter en poussant des cris stridents :
- Il n’est pas chevalier, il ment ! Il n’a pas le droit de me combattre.
Astruc, croisant le regard de la jeune reine, comprit qu’il avait intérêt à lui dire la vérité tout de suite.
- C’est vrai, vous avez envoyé le chevalier du roi aux écuries.
La reine, furieuse, ordonna qu’on aille chercher Godefroi le couard pour affronter son champion. Il fut placé face au Varan qui ne cessait de s’agiter méchamment. C’est alors que l’irréparable se
produisit : le Dragon de Komodo, alias Varan, fit sortir de la grotte un autre animal, une araignée, une tarentule géante. Godefroi se mit à trembler de tous ses membres ne pouvant ni
parler, ni avancer d’un pas, paralysé par la peur.
Astruc, qui observait la scène eut honte ; se saisissant de l’épée de son Maître et de son bouclier d’un seul bond, il se plaça entre Godefroi et la tarentule qu’il affronta courageusement,
en lui assénant un grand coup d’épée entre ses deux yeux globuleux. L’araignée tituba et tomba dans la rivière. Quant au Varan, très en colère, il repartit dans sa grotte en
maugréant :
- Il n’avait pas le droit de tuer mon amie, il n’est pas chevalier. Ils n’auront pas l’enfant, ils ont triché.
La jeune reine raccompagna Godefroi et Astruc jusqu’à la sortie de la forteresse. Godefroi de la Trouille au Bide avait échoué et il pensait fuir le plus loin possible car il n’avait nullement
l’intention de se présenter devant le roi. Il serait sûrement envoyé au fin fond de l’Afrique pour combattre. Astruc, désolé d’avoir fait échouer l’entreprise, dit à son Maître :
- On n’a pas eu le nouveau-né mais on peut avoir le champion de la petite reine pour en faire présent au roi.
Godefroi de la Trouille au Bide, calculateur, trouva l’idée très alléchante. Astruc lui dit avoir remarqué une entrée sur la gauche du château qui donnait sûrement accès à la rivière souterraine.
Ainsi, il pourrait aisément entrer sans être vu par les gardes de la petite reine et prendre son champion son champion. Sachant le Varan carnivore, Astruc injecta une dose massive de potion
soporifique dans un morceau de viande qu’il déposa devant la grotte du Dragon. Tout se passa comme prévu et ils ramenèrent le champion au roi.
Le roi fut d’abord surpris puis très en colère :
- Vous avez osé enlever le champion de la petite reine mais vous êtes complètement fous ! hurla le roi. La reine de la forteresse aux enfants va demander votre emprisonnement et elle risque
de nous déclarer la guerre.
- La guerre, dit Godefroi de la Trouille au Bide, mais pourquoi ?
- Le champion de la reine mourra si on ne le lui rend pas. Il ne peut vivre loin d’elle trop longtemps.
Et c’est là que se produisit le miracle : Godefroi de la Trouille au Bide avait une telle peur de la guerre qu’il dit au roi :
- Alors si la jeune reine tient tant à son champion, proposez lui un échange. Nous lui rendons son champion et elle nous donne un nouveau-né.
Le roi demanda à Godefroi de la Trouille au Bide de s’occuper de l’échange. Ainsi le roi eut-il l’enfant et la petite reine récupéra son champion. Quant à Godefroi, il fut honoré et fêté par tout
le royaume pour avoir donné un héritier à la couronne mais il n’a pas changé pour autant.
On dit qu’il est toujours aussi peureux.
Son écuyer Astruc l’a quitté pour servir la jeune reine qui l’a adoubé On raconte même, qu’il a réussi à battre le champion de la petite reine qui lui a donné richesse, grandeur et gloire. Astruc
avait enfin réalisé tous ses rêves de chevaleries.

GARBIN DOMINIQUE
SORCIERE D'ARCANE
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