Va, va, va le Magnifique !
Un conte a enchanté ma jeunesse. Celui de la Belle et la Bête, que j'ai découvert avec émerveillement avec le film de Cocteau. La Belle est persécutée par sa marâtre et ses deux soeurs . Lorsqu'elle voit paraître à sa porte un superbe cheval blanc, son seul souci est d'échapper au malheur, à la servitude, bref à tout ce qui semble être une fatalité de sa situation. Sans savoir où il la conduira, elle lui dit avec confiance :
" Va, va, va le Magnifique!"
Or ce cheval la mène à un monstre. Remplie d'angoisse, elle parcourt l'étrange palais où des mains vivantes sortent des murs et tiennent des flambeaux . Elle semble perdue. Mieux valait mener, dans sa chaumière, son existence sans espoir.
Chaque fois que je lisais ce conte étant enfant, j'attendais avec la même impatience le moment où la Bête se métamorphosait en Prince charmant .
Magiques répliques dans le film de Cocteau qui expliquaient le secret de cette métamorphose :
"Mon Dieu, vous êtes couvert de sang, dit la Belle
- Je vous demande pardon, dit la Bête.
- De quoi me demandez-vous pardon ?
- D'être Bête. Votre regard me brûle. Je ne supporte pas votre regard. Fermez cette porte."
La Belle ne ferme pas la porte. Elle ne se laisse pas submerger par la peur ou même le dégoût devant le monstre. A partir du moment où la belle accepte de le regarder - donc n'exclut pas de pouvoir l'aimer- la Bête cesse d'être monstrueuse et se métamorphose en Prince charmant.
Le sens profond de cette fable est que si nous acceptons de nous fier à notre monture, notre vie change comme par Magie. Le Magnifique ne demande qu'à galoper vers la prairie du bonheur. La plupart de nos problèmes tiennent au fait que, contrairement à la Belle, qui laisse la porte ouverte et accepte de regarder en face l'image angoissante de son avenir, nous fermons la porte mystérieuse.
Et comme contait Freud pour illustrer la puissance de l'inconscient :
Un paysan, juché sur un cheval, est interrogé par un passant : Où vas-tu? Il répond : "Je ne sais pas, mais demande à mon cheval. Lui, il sait."