LE HAPPY SLAPPING
Le happy slapping arrive en France et ce n'est pas drôle du tout. Venu d'Angleterre : c'est une agression surprise, dans la rue ou au collège, filmée et diffusée sur portable, parfois même sur Internet.
Le 24 avril, Isabelle, 35 ans, prof de biotechnologie, attend ses élèves de BEP dans une classe du lycée professionnel Lavoisier de Porcheville (Yvelines) quand Abdoullah 18 ans, jette une chaise sur l'enseignante, avant de la rouer de coups de poing et de pied. L'un de ses camarades filme la scène avec son portable. Un tabassage en règle dont la vidéo, de mobile en mobile, va faire le tour de la cité du Valfourré, à Mantes la jolie.
C'est l'avatar dramatique d'un jeu idiot inventé par des bandes d'ados britanniques à la dérive : appelé le happy slapping –Littéralement – Une joyeuse distribution de baffes. Depuis l'an passé, cette pratique gagne le continent. Généralement, c'est une attaque surprise brève et filmée, dont l'objectif principal est d'humilier la victime, puis de diffuser par portable ou sur Internet. Une trentaine de vidéos circulent sur le web : une femme frappée à un arrêt de bus ; un garçon jeté de son vélo etc. Ces actes statistiquement peu nombreux en Grande Bretagne, sont révélateurs de l'amoindrissement de l'empathie, du respect d'autrui, de la solidarité.
Mais parfois, on va plus loin que les coups et les baffes, il y a une mise en scène d'incendies de voitures ou encore de viols. A Nice au début de cette année, une collégienne de 13 ans, victime d'un viol collectif, découvre que des photos de la scène, prises par un téléphone portable, circulent dans la cour de son école. Effondrée, elle se décide à raconter son calvaire. Pourtant cette pratique serait officiellement inconnue en France. Alors que lors des manifestations anti-CPE, on avait bien franchi un échelon : des jeunes ont filmé les agressions physiques commises par leurs copains… Il est prédit l'émergence d'un nouveau type de délinquance dont les images sont destinées à être échangées ou diffusées. Plus besoin des journaux, ni de la télévision pour nous informer, les portables et Internet joue ce rôle.
Les récits d'attaques filmées, essentiellement dans les cours de l'école, se multiplient. Ce fléau semble se répandre dans l'Eure et même plusieurs cas ont été signalés dans des collèges du Sud de la France. Les agresseurs dénoncent rarement leurs agresseurs. Les élèves ont tendance à banaliser cette violence parce qu'ils se sentent humiliés et qu'ils craignent des représailles.
La violence n'est pas nouvelle mais l'apport de la technologie permet de partager le bénéfice de l'acte – on peut montrer aux autres – et revivre l'excitation du moment. Le mobile offre le moyen de mettre ces instants en mémoire, de se prouver qu'on existe aussi. Une façon de sortir de son néant en apparaissant sur une image qui apporte la preuve de ce dont on est capable. En fait, c'est une forme de rébellion contre un contrôle institutionnel toujours plus lourd par le détournement des moyen de contrôle.
Différents pays comme l'Allemagne ou la Suisse ont sonné la l'alarme en interdisant les téléphones portables dans les écoles ou encore les élèves doivent éteindre leur portable jusqu'à la fin de la journée de cours. Est-ce que la France suivra cet exemple ?